Entretien avec Louis Couturier, président honoraire de la LP 91

Louis Couturier a présidé la Fédération de l’Essonne de la Libre Pensée pendant plus de 20 ans et est administrateur de l’IRELP, l’Institut de Recherches et d’Études de la Libre Pensée pour lequel il a rédigé plusieurs ouvrages :

  • « Les femmes et la Libre Pensée, la Libre Pensée et les femmes » 2015

  • « Les Libres Penseurs et leurs Internationales » 2018

  • « Libre Penseurs et Libres Penseuses dans l’ancien département de Seine-et-Oise (1843-1983) » 2023

Louis Couturier : J’ai écrit ces ouvrages car je considère qu’il est utile de se pencher sur notre passé pour comprendre le présent et pour éclairer l’avenir, à l’intention de celles et de ceux qui cherchent à rejoindre notre combat pour un monde débarrassé de la guerre, de l’exploitation et de l’oppression, des dogmes et des superstitions, un monde libre et émancipateur pour les femmes : en résumé, pour les « chercheurs de vérité ».

Question : Faut-il prendre ces derniers propos comme un « programme » de la Libre Pensée à proposer à ces « chercheurs de vérité » ?

Louis Couturier : La Libre Pensée n’a pas et n’a jamais eu de programme. La LP n’est pas un syndicat, un parti, une association rationaliste, athée ou une loge maçonnique, ce qui n’interdit pas aux syndicalistes, aux adhérents de partis, aux rationalistes, aux athées, aux adhérents de la LDH ou de la Ligue de l’enseignement, aux francs-maçons… d’en être membres et d’être actifs en son sein.

La Libre Pensée fonctionne comme une association, avec des statuts, des instances élues, des congrès, des structures fédérées, des groupes constitués, avec le fédéralisme comme moyen et la fédération comme but.

Son objectif est d’éclairer les militants de l’Émancipation humaine sur les questions qui se posent : la fin de vie, le droit à l’IVG, l’embrigadement et le bourrage de crâne de la jeunesse, la guerre, la paix, la doctrine sociale de l’Église, la loi Séparatisme, les lois de 1901 et de 1905, etc.

La déclaration de principe adoptée à Bruxelles en 1880 au 1er congrès de la Fédération Internationale de la Libre Pensée est claire à ce sujet :

« La Libre Pensée se réclame de la Raison et de la Science. Elle n’est pas un parti. Elle est indépendante de tous les partis. Elle n’est pas une Église, elle n’apporte aucun dogme. Elle vise à développer chez tous les hommes l’esprit de libre examen et de tolérance. Elle regarde les religions comme les pires obstacles à l’émancipation de la pensée. »

J’ajouterai qu’elle n’est pas une « secte » : on y adhère librement et on peut la quitter tout aussi librement. À la Libre Pensée, il n’y a ni gourous, ni dogmes comme dans les sectes chrétiennes.

Question : Dans certains médias, la Libre Pensée est représentée en boucle comme une organisation de « bouffeurs de curés », de « vieux laïcards », voire « d’islamo-gauchistes ». Qu’en dis-tu ?

Louis Couturier : Les xénophobes de droite comme de gauche, antimusulmans (surtout anti-arabes), se disant attachés à la Laïcité, ne ratent pas une occasion de tenir des propos hystériques à notre sujet.

N’en soyons pas dupes ; mieux vaut donc se référer à l’orientation pérenne du congrès de Rome en 1904 ou celui d’Oslo en 2011 lors de la fondation de l’AILP (Association Internationale de la Libre Pensée :

« La Libre Pensée est laïque, démocratique et sociale, c’est-à-dire qu’elle rejette, au nom de la dignité de la pensée humaine, ce triple joug : le pouvoir abusif de l’autorité en matière religieuse, du privilège en matière politique et du Capital en matière économique. La Libre Pensée est une association dans laquelle se trouvent des sensibilités diverses. Ce n’est ni une richesse, ni une tare. C’est un fait revendiqué depuis les origines. »

Il en est toujours ainsi dans notre Fédération départementale. Elle n’est ni cathophobe, ni judéophobe, ni islamophobe, ni « je-ne-sais-quoi-phobe » ! Elle n’est pas une organisation athée ou d’athées, même si elle compte beaucoup d’athées dans ses rangs et dans ses instances.

Par contre, il n’y a pas place pour les xénophobes, pour les soi-disant laïques anti-arabes, pour les va-t-en-guerre, pour ceux qui veulent embrigader la jeunesse, pour les antisémites, pour les anti-IVG, pour les partisans des lois anti laïques, pour les V.R.P. du teilhardisme et du concordisme…

Mais il y a la place dans nos rangs – pour toutes les personnes libres – pour aider au rassemblement de toutes les forces qui se réclament de la liberté de conscience, de la liberté de pensée et d’expression pour tous, pour œuvrer à la constitution d’une Confédération laïque des penseurs libres.

Pour en savoir plus :

  • « Histoire de la Libre Pensée » IRELP, collectif, 2020

  • « Une Histoire de la Libre Pensée » de Jean-Marc Schiappa, 2011

  • « La Libre Pensée » de Sébastien Faure – 2020