Les entretiens de l’IRELP : Florence Dorrer- Sitoleux

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« Pourquoi nous créons la Vigie de la laïcité, un organisme indépendant et citoyen » (tribune parue dans Le Monde du 10 juin 2021)

Jugeant que diverses relectures de la loi de 1905 rompent son équilibre et menacent le consensus nécessaire autour de la laïcité, treize personnalités, parmi lesquelles Jean Baubérot, Jean-Louis Bianco, Nicolas Cadène et Valentine Zuber, annoncent, dans une tribune au « Monde », la création d’un organisme destiné à apporter « une expertise fondée sur la raison, la connaissance et le débat critique ».

De nos jours, la laïcité est souvent manipulée, comme si elle devait − et pouvait à elle seule − résoudre tous les problèmes de la société. Elle est alors une ressource utilisée pour mener des combats idéologiques et politiques, elle divise… au lieu de rassembler. Sous la IIIe République, Ferdinand Buisson, un grand serviteur de l’État républicain, en a donné, en 1883, sa première définition : « L’Etat neutre entre tous les cultes, indépendant de tous les clergés, dégagé de toute conception théologique », cela afin d’assurer « l’égalité de tous les citoyens devant la loi », sans tenir compte de leurs croyances et pour garantir « la liberté de tous les cultes ».

Cette définition implique que le pouvoir politique ne se fonde sur aucune transcendance religieuse ou idéologique et que la puissance publique ne peut ni ne doit imposer un régime particulier de vérité. Elle doit, au contraire, adopter une posture d’arbitre qui, en exerçant sa neutralité active, assure la préservation de la liberté de conscience individuelle et la liberté de religion et de conviction collective. L’autonomie de la loi civile à l’égard des normes religieuses en découle nécessairement, autorisant une liberté égale accordée aux religions et convictions et permettant que leur confrontation se fasse dans le respect mutuel garanti par l’ordre public démocratique. Ainsi, la laïcité présente deux pôles en étroite interaction : la neutralité au niveau de l’État, la liberté de conscience et d’expression à celui de l’espace public et de la société civile.

Les lois laïques de la IIIe République se situent dans cette logique. Celle de 1882, laïcisant l’Ecole publique, a mis fin à un cours obligatoire de morale religieuse et décidé que l’école vaquerait un jour par semaine, en sus du dimanche, pour faciliter la tenue du catéchisme pour les familles souhaitant y envoyer leurs enfants. La loi de 1905, séparant les Eglises et l’Etat, a déclaré que la République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes (art. 1er). Elle a aussi énoncé la suppression de tout caractère officiel des religions (art. 2). De nombreux autres articles concrétisent cette double affirmation.

Informations fiables
La mise en pratique des principes laïques ne s’est pas réalisée sans conflits internes au sein du camp républicain. Certains souhaitaient, en particulier, l’adoption de mesures qui auraient limité la liberté de conscience au profit des Eglises ; d’autres, au contraire, voulaient privilégier celles qui auraient constitué des atteintes au libre exercice des cultes. Ni les unes ni les autres n’ont été retenues par le législateur de 1905.

Grâce à cet équilibre, la loi de 1905 constitue, encore de nos jours, le pilier central du système laïque français. D’un point de vue politique, elle bénéficie toujours d’un très large consensus. Malheureusement, certaines invocations actuelles témoignent d’une interprétation biaisée de ses principes. Diverses relectures, en rompant son équilibre savamment dosé, parfois même en se situant dans la lignée de ce qui avait pourtant été refusé par ses principaux architectes, Aristide Briand et Jean Jaurès au premier chef, menacent le consensus national nécessaire autour de la laïcité.

Il nous semble important, pour rappeler la teneur démocratique de ce projet républicain, que s’exerce une veille active, et que soient données des informations fiables et proposées des formations adéquates à la compréhension de ces principes. La vigilance doit éviter que la laïcité dévie de son cadre juridique éprouvé, et se coupe de la philosophie politique libérale contenue dans la loi de 1905 qui l’a toujours guidée. Elle doit aussi permettre de continuer à mener une réflexion active sur les modalités, éventuellement nouvelles, de l’application de la laïcité face aux défis contemporains. Ce qui implique d’accorder toute leur place au débat et à l’exercice de l’esprit critique, afin de remédier à l’ignorance et d’éviter le détournement de ses fondements.

Pour mener à bien cette triple tâche, la veille, la formation et l’information, nous créons la Vigie de la laïcité, un organisme indépendant et citoyen, qui sera à la disposition tant du grand public que des acteurs de terrain, des médias ou des responsables politiques. Au plus loin du culte contemporain de l’immédiateté, du clash et de l’émotion, cette vigie de la laïcité apportera une expertise citoyenne fondée sur la raison, la connaissance et le débat critique.

Olivier Abel, philosophe, professeur de philosophie éthique à l’Institut protestant de théologie ; Radia Bakkouch, présidente de l’association Coexister France ; Jean Baubérot, historien, président d’honneur de l’Ecole pratique des hautes études, université Paris sciences et lettres (PSL) ; Jean-Louis Bianco, ancien ministre et ex-président de l’Observatoire de la laïcité ; Dounia Bouzar, anthropologue, spécialiste du fait religieux, Présidente de l’association L’Entre-2 ; Nicolas Cadène, juriste, membre résidant de l’Académie de Nîmes, ex-rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité ; Nilufer Gôle, sociologue, directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales ; Stéphanie Hennette-Vauchez, juriste, professeure de droit public à l’université Paris-Nanterre ; Daniel Maximin, poète, romancier et essayiste ; Philippe Portier, politologue, directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études (PSL) ; Jean-Marc Schiappa, historien, président de l’Institut de recherches et d’études de la Libre Pensée (Irelp) ; Michel Wieviorka, sociologue, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales ; Valentine Zuber, historienne, directrice d’études à l’Ecole pratique des hautes études (PSL).

Article paru dans Le Monde.fr du 9 juin 2021




Archives :
censure nouvelle, censures anciennes

Nous publions ici un texte de notre amie Annie Lacroix-Riz, refusé par Le Monde, le journal de la bourgeoisie jésuitique qui donne des leçons de morale et d’impartialité.
On dit du bien de Marc Bloch mais on s’en prend (voir le texte de Pierre Nora, Jacques Julliard, Luc Ferry, Gilles Kepel) aux historiens « militants ». La question n’est pas qu’un historien soit (ou ne soit pas) militant. La question est que l’historien soit un historien. Comme si Marc Bloch n’avait pas été un historien et quel historien ! Comme si Marc Bloch n’avait pas été militant ! Il a été fusillé pour cela.
On pense immanquablement au mot de Robespierre « Qu’importe de louer un mort, pourvu qu’on puisse calomnier les vivants »


Lacroix-Riz, Archives :
censure nouvelle, censures anciennes

 

Madame, Monsieur,

Je ne doute ni de votre lecture attentive ni de l’encombrement de votre rubrique.

Je m’étonne cependant, d’une part, que vous refusiez d’ouvrir un débat sur la liberté de consulter et d’utiliser à des fins académiques les archives quand elles sont ouvertes et sur le motif du verrouillage des fonds postérieurs à 1934,et, d’autre part, que votre admiration, si souvent exprimée, pour le grand Marc Bloch, ne vous incite pas à faire connaître à vos lecteurs son active contribution à la mise à jour du complot fasciste préparatoire à Vichy, encore largement ignoré du peuple français malgré les espoirs exprimés en 1943-1944 par l’historien (L’étrange défaite, Paris, Gallimard, 1991, passim ; « La vraie saison des juges », Cahiers politiques, n° 4, p. 238-239, in L’étrange défaite, et « À propos d’un livre trop peu connu », n° 8, in L’étrange défaite, p. 246-253).

Bien cordialement,

Annie Lacroix-Riz


 

Comment ne pas se féliciter de la protestation contre la fermeture étatique des archives parue dans la rubrique « Idées » du Monde du 26 janvier 2021, succédant à d’autres, nombreuses depuis un an ? Comment ne pas s’étonner aussi de l’attaque allusive contre certains historiens qui préfèreraient les « discours militants » à la recherche rigoureuse ?

Précisons que les fonds d’archives publiques ont été largement ouverts dans les décennies précédentes, particulièrement entre la circulaire Jospin du 2 octobre 1997 déclassifiant les fonds 1939-1945 et l’arrêté du 24 décembre 2015 libérant les instructions judiciaires des procès relatifs à la Deuxième Guerre mondiale (jusqu’au terme de ces derniers, presque tous postérieurs à mai 1945). L’État a réaffirmé en 2018 sa volonté de « vérité » ‑‑ sur les circonstances de la torture et de l’assassinat par l’armée française du jeune mathématicien communiste Maurice Audin « disparu » le 21 juin 1957 à Alger. Depuis lors, sur cette question et sur le rôle de la France dans le génocide de 1994 au Rwanda, la fermeture a prévalu. Celle-ci se généralise comme en témoigne l’interdit qui « va s’étendre aux documents classifiés depuis 1934 » ‑‑ soit 87 ans (balayant la limite des 50 ans pour les documents « secret-défense » de la loi d’archives du 15 juillet 2015).

Le choix de cette date n’est pas « absurde », car elle marque une étape essentielle du complot ourdi depuis les années 1920 contre la République. C’est à l’été 1934 que Pétain et Laval, alors ministres du gouvernement Doumergue, furent définitivement choisis par les élites financières françaises comme dictateurs d’un État fasciste, sur le modèle italien et allemand, à établir d’urgence (la première tentative du 6 février l’avait montré). Ce complot relevant de la haute trahison (« intelligence avec l’ennemi ou/et atteinte à la sûreté, intérieure ou/et extérieure de l’État »), passible de la peine de mort conformément à l’article 75 du Code pénal, est formellement prouvé, notamment par une masse énorme de documents des Archives nationales, dont les cotes F7 (police générale) et W3 (instruction de la HCJ, 360 cartons). Les archives soumises au régime de la dérogation générale, surtout depuis 1999 (délai de soixante ans de la loi d’archives de 1979, pour les fonds « sensibles » antérieurs à septembre 1939), ont avéré les propos sur la trahison nationale de Marc Bloch dans ses écrits clandestins, L’Étrange Défaite (second semestre 1940) puis, de plus en plus précis jusqu’au printemps 1944 (juste avant son assassinat). Bloch serait donc le chef d’orchestre des « discours militants », de « la petite musique sur “l’État profond” » à propos duquel l’enquête n’aurait jamais été « conduit[e avec] rigueur [… et] méthode scientifique » ?

Les historiens ou politistes français disposant d’un grand écho médiatique, écrit et audiovisuel, ont systématiquement refusé, depuis trente ans, de débattre, entre eux et avec leur public, de ce que Marc Bloch, pourtant officiellement vénéré par l’historiographie, avait écrit sur la conjuration contre la République, la liquidation des alliances extérieures salvatrices et le sabotage de la Défense nationale de la France. S’ils l’avaient fait et avaient engagé leurs étudiants à les suivre sur ce terrain, ils combattraient aujourd’hui plus aisément le verrouillage des archives qui nous ramène au temps où Robert Paxton s’était vu interdire tous les fonds français sur Vichy. En 1976, alors que le grand œuvre de l’historien américain, La France de Vichy (1973), était reconnu, le chartiste Pierre Cézard, spécialiste des archives de l’Occupation, puis directeur de la Section contemporaine des Archives nationales (1970-1983), m’a confirmé que la France, si friande de censure, ne s’était pas grandie (et les AN non plus) en restreignant Paxton aux seuls fonds allemands confisqués par l’armée américaine et transférés aux archives de Washington.

Certains historiens, même en France, ont depuis les années 1990 profité de l’ouverture des fonds. Le bilan qui en est résulté leur a valu de graves mises en cause unilatérales, avec pour chef de file Olivier Dard, professeur à Sorbonne Université qui s’est illustré en 2018 par une notice officielle sur Charles Maurras oubliant que cet antisémite morbide l’était demeuré de 1940 à 1944 et certifiant qu’il n’avait jamais cessé d’être « germanophobe » et « antinazi ». Le rejet ministériel final, devant l’émotion provoquée, de ce texte inconvenant destiné au Livre des commémorations nationales a provoqué… la démission quasi unanime des historiens membres du Haut Comité ad hoc, outrés de pareille « censure », puis une floraison d’articles des mêmes exigeant réédition dans les meilleurs délais des collaborationnistes, de Céline à Rebatet, présentée comme indispensable pour connaître le fascisme « de l’intérieur ».

Conférencier favori de l’Action française, Olivier Dard s’était assuré l’invulnérabilité académique en ridiculisant toute recherche sur les complots de l’entre-deux-guerres contre la République depuis son ouvrage La synarchie ou le mythe du complot permanent, Paris, Perrin, 1998. Son combat, poursuivi depuis lors, contre les présumés « complotistes », a également bénéficié de l’écho grandissant des grands médias écrits et audiovisuels. L’Institut d’études politiques, maître de fait, depuis plus de trois décennies, de l’histoire contemporaine en France, y compris à l’Université, a ainsi poursuivi la croisade menée depuis les années 1950 par les équipes René Rémond-Raoul Girardet puis Serge Berstein-Michel Winock contre toute recherche archivistique sur « le fascisme français » : seconde main, déclarations officielles (exclusivement) contemporaines des faits et « témoignages » ou documents a posteriori non confrontés aux archives ont généré une histoire idéologique, à mille lieues d’une « recherche [scientifique] sur le passé ».

Depuis la déclassification des archives de l’entre-deux-guerres, le monde académique français ne s’est pas, dans son ensemble, précipité pour « regarder en face […] les blessures du passé ». Lesdites « blessures » étant parfois examinées hors de France, la traduction des travaux étrangers correspondants a été esquivée par la majorité de l’édition. L’interdit jeté par l’IEP sur l’étude via les archives du « fascisme français » et son tapage éditorial et médiatique contre « les “historiens” (sic) étrangers » ne comprenant rien aux spécificités de la France ont été d’une efficacité redoutable. L’a démontré la façon dont l’historien américain Robert Soucy, analyste sérieux des « deux vagues » du « fascisme français » et des liens organiques de ce dernier avec les milieux financiers, a été, plus encore que feu Zeev Sternhell, ridiculisé puis effacé du paysage académique.

Il en va de même pour l’histoire de la « Guerre froide » et celle des violences de la colonisation, du colonialisme et des guerres coloniales, ce que laissent percer les débats soulevés, par bonheur, sur la guerre d’Algérie ou le génocide du Rwanda. Le simple fait de communiquer à Jean-Luc Einaudi, en 1998, conformément à une procédure légale de dérogation (à trente ans) prévue par la loi sur les archives de 1979, des archives sur la répression des manifestations d’octobre 1961 par le préfet de police Maurice Papon ‑‑ haut fonctionnaire criminel de Vichy, sous-préfet promu préfet à la Libération, en toute connaissance de cause ‑‑, a ruiné la carrière des grands archivistes-conservateurs Brigitte Lainé et Philippe Grand. Il fallait donc être héroïque pour appliquer la loi? Le monde académique ne leur a pas apporté, à l’époque du « procès en diffamation envers un fonctionnaire public » intenté par Papon (1999), et au-delà, un soutien supérieur à celui de leurs pairs, effrayés, ambitieux ou les deux.

 

Il faut réagir fermement contre le « règlement [pas si] absurde » du « secret-défense », assurément, mais les directeurs de recherches, à l’Université, doivent aussi s’interroger sur leur comportement à l’époque où leurs étudiants puis doctorants pouvaient puiser aux dossiers désormais refermés. L’étouffoir a prévalu, et avec quelle énergie, pour pousser les curieux à l’abandon. L’indignation contre l’intolérable censure d’État serait plus crédible si l’interdit académique de facto n’était couramment pratiqué et si l’historiographie médiatisée n’avait largement œuvré, par l’autocensure et la censure, au recul scientifique désormais imposé par l’État.

 

Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d’histoire contemporaine (Paris 7), chercheuse




Les congrès de la Libre Pensée de 1921 à 2018

C’est un document encore en cours d’élaboration que nous mettons à votre disposition.

Il a pour objet de permettre à chacun, militant, universitaire, chercheur, de disposer d’un fil conducteur  permettant d’appréhender la vie de la Libre Pensée à travers ses congrès durant cette période, mais aussi, peut-être, d’apporter des éléments complémentaires provenant d’archives personnelles ou de documents inconnus de l’IRELP.

Les congrès de la Libre Pensée de 1921 à 2018




La Libre Pensée des Alpes de Haute Provence remet l’ouvrage de l’IRELP “Histoire de la Libre Pensée ” à M. le Maire des Mées

Le 26 octobre 2020, la Fédération départementale de la Libre Pensée des Alpes de Haute Provence à rencontré M. le Maire des Mées pour lui remettre l’ouvrage de l’IRELP “Histoire de la Libre Pensée” en remerciement de l’accueil constant et chaleureux de sa municipalité.

Lire l’article sur le site LP04




Les entretiens de l’IRELP : avec Laurent Mauduit, à propos de son livre “Prédations”

Vous pouvez suivre en vidéo l’intégralité de cet entretien :

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=oO-u19lYhy4?feature=oembed&w=500&h=281]

Retrouvez les vidéos de l’Irelp sur YouTube ; “IRELP La Chaîne




Suite à un article publié dans la revue 20&21, Annie Lacroix-Riz fait valoir son droit de réponse

lire la réponse d’Annie Lacroix-Riz




Contribution de l’IRELP à la conférence de l’IAHLI

version française

english version

Institut de Recherches et d’Etudes de la Libre Pensée

Gestionnaire de la Bibliothèque de « Entraide et Solidarité »

204 rue du Château des Rentiers 75013 PARIS

irelp@laposte.net

La “crise du corona” n’a pas affecté l’IRELP de manière substantielle.
Pour deux raisons différentes. La première est que nous nous attendions à une crise mondiale. Evidemment, nous n’avions en rien prévu une crise de type pandémique et le confinement. Nous nous attendions à une crise financière de l’ordre de celle de 2008 en beaucoup plus importante (à notre avis, cette crise est à venir). Donc, nous avons avancé à marche forcée depuis plusieurs années pour être un Institut solide sur ses bases, reconnu par les siens et avec un public assez étendu qui nous fasse confiance. Y sommes-nous arrivés ? L’avenir le dira.
La seconde raison est que nous sommes un petit Institut avec un petit budget. Nous n’avons pas de salariés. Ce budget repose essentiellement sur nos propres produits et le soutien des organisations amies ; pas du tout sur le soutien de mécènes ni sur celui de fonds publics. C’est un problème en temps normal, c’est une chance en temps de crise : nous ne pouvions compter que sur nous-mêmes.
Tout d’abord, nous n’avons enregistré aucun décès. Dans la tragédie mondiale que fut la crise du virus, nous savons que d’autres ont été cruellement frappés et c’est à eux que nous pensons d’abord.
Avec le confinement, nous avons dû fermer nos locaux et nous n’avons pu recevoir ni chercheurs ni étudiants. Le classement de nos archives, celui de la Bibliothèque (les deux sont toujours en développement incessant), l’achat des meubles nécessaires ont été interrompus. En un mot, tout ce qui était du domaine du physique a été interrompu. Incontestablement, cela a été un manque. Nos relations internationales ont également été affectées.
Nous avons, en revanche, fait fonctionner beaucoup plus que d’habitude les liens électroniques. D’abord, pour rompre l’isolement des 2500 correspondants. Nous avons signalé à ceux-ci les ouvrages ou revues en ligne qui étaient sur notre site, en multipliant les informations, les envois d’articles parfois anciens. Nous avons également procédé à un sondage et à un bilan avec nos correspondants sur leur appréciation de notre site, ce qui permettait de poursuivre le dialogue (l’IRELP n’était pas inactif). Mais nous n’avons pas résolu la question des personnes (rares) qui n’ont pas accès à internet.
La fermeture de nos locaux a affecté nos activités, et donc nos finances mais les propriétaires des locaux que nous louons (Mairie de Paris indirectement) ont fait preuve de beaucoup de compréhension. Nous tenons à les remercier.
Dès que les livraisons postales ont pu reprendre nos envois ont repris progressivement. L’importance des relations passées avec nos correspondants ayant permis une confiance réciproque, les commandes de livres et de revues ont continué, même en quantité moindre.
Nous avons, également, modifié en urgence le contenu de notre revue, prévue pour octobre qui sera consacré à « Catastrophes naturelles, épidémies, cléricalisme, anticléricalisme ». Nos contacts ont apprécié notre réactivité.
Cette situation nous a obligé à constater le grand retard pris sur la numérisation de nos archives et la nécessité de rattraper ce retard, au moins partiellement.
La solidité et l’efficacité (dans la limite de nos moyens) sont des éléments qui ont permis notre fonctionnement pendant cette période difficile.

Jean-Marc Schiappa, Président




Présentation du livre ” Une histoire de la Libre pensée ” par Quentin Dauphiné, dans “La Révolution prolétarienne”

Télécharger l’article de Quentin Dauphiné

 

Sur Collectif, coord. Louis Couturier, Christian Eyschen, Jean-Marc Schiappa, Histoire de la Libre Pensée, IRELP, 2019.

L’IRELP (Institut de Recherches et d’Etudes de la Libre pensée), a édité une Histoire de la Libre Pensée.
En France, pour les militant.es la « Libre Pensée » renvoie avant tout à l’évocation d’une organisation laïque : la FNLP (Fédération nationale de la Libre pensée). Cet ouvrage nous rappelle utilement que la réalité est plus polysémique, et donc plus riche. Il prend le parti de défi nir la Libre pensée ainsi : elle n’est pas une doctrine, mais une méthode.
Qui dit méthode, dit méthode d’explication du monde et de la société : autrement dit, le rationalisme, et en tout cas la démarche d’explication de la réalité sociale et physique sans faire appel à une divinité ni à un texte révélé.
Cela étant, il est nécessaire deux distinguer deux éléments quand on parle de « libre pensée », c’est quelque part le sujet central de ce livre :
– une attitude philosophique et intellectuelle, impliquant la remise en cause des dogmes dominants et des pouvoirs en place ;
– un courant militant organisé, dont on peut dater l’apparition du milieu du 19e siècle même s’il a pris des formes variées depuis.
Le livre en question nous montre le passage – ou plutôt la superposition – entre ces deux dimensions, ce qui l’amène à se centrer plus spécifiquement sur la situation française : la France est un des pays où la libre pensée a pu jouer un rôle majeur, notamment lors de la mise en place d’une laïcisation à peu près complète des institutions (loi de Séparation de 1905).
Une Libre pensée dont les thématiques d’action sont fortement imprégnées de la Révolution française.
Un aspect important de l’ouvrage est de faire entrevoir – ce sont plus des moments-clefs qu’une narration continue – les grands débats de la Libre pensée française face aux événements ayant déchiré le 20e siècle et le 21e siècle débutant : une histoire heurtée, pas toujours rectiligne ni glorieuse. Du basculement de nombreux libres penseurs dans l’Union sacrée, en passant par le soutien accordé au Front populaire puis la rupture avec ce dernier, les luttes d’après 1945, concentrées sur la défense de la laïcité scolaire (le fameux slogan « fonds publics pour l’école publique, fonds privés pour l’école privée ») et de la loi de 1905, jusqu’à l’indépendance difficilement acquise face au gouvernement «socialiste» de 1981…,
le livre se termine sur une note positive et prudemment optimiste, finissant par embrasser le début de l’année 2020. On aurait aimé que les termes de certains débats internes – qui relèvent aussi de débats plus généraux dans le mouvement ouvrier – soient présentés plus explicitement. Ainsi la scission des années 1990, ou même les remous internes plus récents comme lors de la scission du trotskysme « lambertiste », assez bien représenté parmi les « cadres » de la Libre pensée française.
Des éléments seraient aussi à creuser. Par exemple l’entrecroisement entre mouvement ouvrier (notamment l’anarchisme), franc-maçonnerie (républicaine bourgeoise) et travail d’émancipation intellectuelle face aux préjugés de la société bourgeoise (cf. le rôle des femmes libres penseuses) : c’est à peu près la seule organisation qui peut ouvertement revendiquer des sensibilités idéologiques allant de l’anarchisme jusqu’aux républicains radicaux (le pilier de la « gauche » sous la 3e République). Si la séparation « définitive » (sachant que l’Etat capitaliste cherche toujours à intégrer le mouvement ouvrier quand il ne le réprime pas) entre mouvement ouvrier et bourgeoisie prend corps lors de la seconde moitié du 19e siècle et se matérialise dans le sang avec la répression de la Commune, comment analyser une telle conjonction dans une organisation ? Cela est-il porteur de sens et de perspectives ? Une figure comme celle de Ferdinand Buisson, dont le rôle majeur est rappelé y compris dans l’élaboration de la loi de Séparation, semble apporter une réponse affirmative à ces questions ; mais lui-même, n’a-t-il pas basculé dans l’Union sacrée en 1914 ?
Finalement, ce livre apporte d’utiles éclairages, même si bien entendu on peut discuter telle ou telle affirmation. Et surtout – ce qui est sans doute un de ses buts – il donne en envie d’en savoir davantage sur cette Libre pensée qui provoque des cauchemars parmi les plus obscurantistes des dignitaires catholiques.

Quentin DAUPHINÉ